La géographie mondiale de la construction et réparation navales est vite dressée. Les volumes sont à l’Est et les niches de marché plus à l’Ouest. Que reste-t-il à la France outre sa géographie chanceuse ? Des infrastructures héritées du passé se réinventent. Parfois en mode brouillon et non concerté.

« L’industrie chinoise de la construction navale a peut-être gagné la bataille du carnet de commandes, mais pas celle de la fabrication des navires haut de gamme ». La phrase a été prononcée récemment par Bao Zhangjing. Le direc- teur adjoint d’une unité de recherche du puissant conglomérat public chinois China State Shipbuilding Corp (CSSC), parmi les premiers des chantiers navals mondiaux, faisait sans doute allusion à la Corée du Sud mais elle aurait pu être prononcée par un Européen. 

Après avoir encaissé le choc des années 1970-1980, qui ont balayé la construction navale dans certains pays, les industriels européens se sont clairement recentrés sur les navires à haute valeur ajoutée pour continuer d’exister face aux Asiatiques, qui confisquent les gros volumes. Navires bardés de technologies, dédiés à l’assistance pétrolière ou à l’exploration océanographique, continuent d’échoir aux chantiers européens. Il en est (encore) de même pour le segment des transports de passagers, ferries et paquebots, sur lequel prospère l’Italien de Trieste Fincantieri qui se revendique le leader occidental en construction de navires. Il réussit aussi au français Chantiers de l’Atlantique ou à l’allemand Meyer Werft qui vient de livrer l’AIDAnova, premier paquebot propulsé au GNL. 

Pour le reste, tout se joue intra-asiatique. La Chine, la Corée du Sud et le Japon ont trusté 90,5 % du tonnage livré en 2017 selon les données de Vessel, les deux premiers se coursant chacun dans une spécialité : la Chine détient les parts de marché les plus importantes dans les vraquiers et cargos. La République de Corée se distingue dans les méthaniers et les porte-conteneurs. 

140 chantiers disparus 

Pour la première fois depuis 2011, la Corée devrait d’ailleurs reprendre à la Chine la place de premier constructeur naval mondial en 2018, selon Clarkson. Sur les 11 premiers mois de l’année, les chantiers coréens ont engrangé pour 10,9 millions de tjbc (tonne de jauge brute compensée) de commandes, soit 42 % du total mondial, alors que leurs concur- rents chinois n’en totalisent que 8,74 millions. Les Sud-Coréens pourraient s’imposer pour longtemps : le gouvernement vient d’injecter massivement de l’argent public pour muscler son industrie navale. Pendant ce temps, la construction navale chinoise (plus de 1 000 chantiers répertoriés) est toujours en phase de rémission après plusieurs années de réces- sion, exceptées les trois grandes entreprises d’État, CSSC (citée plus haut), China Shipbuilding Industry Company (CSIC) et Cosco Shipping Heavy Industry (CSHI). Leur monopole est aussi sans doute la cause des malheurs de leurs petites homologues : entre 2009 et 2016, plus de 140 chantiers navals chinois ont disparu tandis que plus de 90 autres ont fusionné ou ont été acquises, selon Ren Yuanlin, le président du conseil d’administration du chantier singapourien Yangzijiang Shipbuilding.

Les chantiers européens ? Ils résistent. Sur les 1 966 navires commandés en 2018, la Norvège devait en livrer 47. Les chantiers allemands, qui détiennent une part de marché de 20 % dans les porte-conteneurs, avaient à leur planning 61 unités. Les chantiers grecs, spécialistes des pétroliers avec 24 % du marché, devaient livrer 85 navires de ce type. Le développement des énergies renouvelables comme mode de propulsion, la demande en navires techniques pour implanter des éoliennes en mer ou encore la course technologique pour le navire autonome, qui aiguise déjà la concurrence entre la Finlande et la Norvège, seront-ils des opportunités pour les Européens d’une reprise en main ?

A.D.

 

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